Sciences Citoyennes

Nous vivons un changement de nature des risques, des disparités et des dangers créés par les modes dominants de production et de consommation. La mondialisation libérale accentue ces menaces et entend soumettre la recherche et le développement technique aux exigences de la solvabilité. Ces dernières années, l’accumulation de crises (Tchernobyl, amiante, sang contaminé, vache folle, OGM…) ont montré la nécessité de prendre en compte d’autres intérêts et risques que ceux définis par les acteurs techno-industriels. Elles ont suscité une remise en cause de l’expertise et de la science, un renouveau des mobilisations sociales et de nombreuses initiatives d’implication de ’profanes’ dans la recherche, l’expertise ou la vigilance, qui ont conduit à un certain désenclavement de la science et de ses institutions.

Face à la marchandisation des savoirs et du vivant, ces mobilisations et initiatives amorcent un sursaut démocratique et un nouveau pacte social pour une science citoyenne, responsable et solidaire. Loin de se réduire à « une montée des croyances irrationnelles » ou à un manque d’information ou de « culture scientifique », elles affirment qu’une science pour tous doit se construire avec tous, dans le dialogue avec des savoirs autrefois dévalorisés.

Moteur d’émancipation pendant plusieurs siècles, la science, devenue technoscience, est aujourd’hui un formidable pouvoir. Pour servir le bien-être de l’ensemble des êtres humains de notre planète, ce pouvoir requiert d’autres pilotes que la seule volonté de savoir, le désir de puissance ou les logiques de profit. Après l’ère de la « maîtrise de la nature », doit donc venir celle de la « maîtrise de la science », de la citoyenneté scientifique.

Sciences Citoyennes a pour objectif de favoriser et prolonger le mouvement actuel de réappropriation citoyenne et démocratique de la science, afin de la mettre au service du bien commun.

Elle se donne notamment pour objectifs :

  • l’accroissement des capacités de recherche et d’expertise de la société civile, des forces associatives, consuméristes, syndicales et citoyennes. Nous appuierons la constitution d’un tiers secteur scientifique, répondant mieux à des besoins sociaux et écologiques croissants et négligés par les orientations scientifiques dominantes, qu’elles soient le fait de l’Etat ou de l’industrie privée.
  • la stimulation de la liberté d’expression et de débat dans le monde scientifique, l’appui aux lanceurs d’alerte et le développement de controverses publiques et de « forums hybrides » sur les enjeux à forte technicité scientifique. Loin des peurs frileuses des interventions du public et des logiques technocratiques, le pluralisme et la controverse sont la source non seulement d’une meilleure exploration des mondes possible et, partant, de meilleures décisions, mais aussi d’une appropriation active des connaissances scientifiques par le public.
  • de promouvoir l’élaboration démocratique des choix scientifiques et techniques. Nous favoriserons la mise en débat public des politiques publiques en matière de recherche, de technologie et d’organisation de l’expertise. Nous mènerons également l’analyse vigilante des nouveaux dispositifs délibératifs qui se multiplient afin de soutenir ceux qui favorisent une véritable démocratie technique.

Démocratie Ouverte

2012 – La naissance

Depuis quelques années, un petit groupe de citoyens monte des projets pour transformer notre vieux système politique, défaillant à de nombreux niveaux en France comme à l’étranger. C’est le cas des inventeurs de Parlement & Citoyens, de voxe.org, de Nos députes.fr et Nos Sénateurs.fr, ou encore de Questionnez vos élus. Ces porteurs de projets partagent une vision : à l’heure d’internet, la démocratie doit évoluer et le numérique peut y contribuer !

Alors qu’ils se réunissent régulièrement de manière informelle, en 2012 ils décident de formaliser leur collectif et créent une association pour regrouper les innovateurs démocratiques (ceux qui conçoivent les solutions pour transformer notre système politique) avec les chercheurs, les professionnels, les élus, les associations et les citoyens qui cherchent eux aussi à rendre notre démocratie plus transparente, participative et collaborative. Démocratie Ouverte est née !

2013 à 2016 – Le gouvernement ouvert

En 2011, sous l’impulsion de Barack Obama et de Dilma Roussef, est lancé le “Partenariat pour un gouvernement ouvert” (ou Open Government Partnership – OGP), une initiative internationale qui pousse les pays à “ouvrir” leurs modes de gouvernance en étant plus transparents et en associant davantage les citoyens aux décisions qui les concernent.

Alors qu’aucun pays francophone ne s’intéresse à cette initiative, le collectif Démocratie Ouverte se donne pour mission de traduire le concept anglo-saxon en français et de faire en sorte que la France adhère à l’OGP en engageant un plan d’action ambitieux.

Le lobbying citoyen du collectif fonctionne tellement bien que la France prend la présidence de l’organisation internationale en décembre 2016, lors du Sommet Mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert au Palais d’Iéna à Paris. Les membres de Démocratie Ouverte y animent de nombreux ateliers et interventions, et notamment Place to DO, le QG média & citoyen du sommet. Cet événement a dévoilé Démocratie Ouverte aux yeux des médias et du grand public …mais force est de constater que malgré les engagements de la France, notre démocratie n’évolue pas assez vite ni assez loin !

2014 – Le Labo Démocratie Ouverte

En 2014, alors que la campagne des élections municipales bat son plein, l’association Démocratie Ouverte lance un laboratoire : www.labodemocratieouverte.org L’objectif ? Mener des expérimentations d’innovation démocratique, sur le terrain, pour inventer et tester les meilleurs outils et méthodes d’engagement citoyen, de prises de décisions collectives ou de démocratie participative. Depuis cette date, le Labo mène des expérimentation avec des villes (comme Paris, Mulhouse, Loos-en-Gohelle) ou même des départements et des régions (Occitanie, Centre-Val de Loire, Seine-Saint-Denis).

Le labo permet aux innovateurs démocratiques de tester leurs solutions sur le terrain et de se nourrir des expérimentations (qui sont partagées en biens communs). Il permet aux collectivités territoriales d’être pionnières et de transformer en profondeur leur citoyenneté.

2016 – Système D, l’incubateur d’innovations démocratiques

En 2016, avec le soutien de la Caisse des Dépôts, du Crédit Coopératif, d’Accenture, de la MGEN, du groupe La Poste (puis de la Fondation La France s’engage un peu plus tard), Démocratie Ouverte lance le premier incubateur spécifiquement dédié à accompagner les projets d’innovation démocratique. Depuis cette date, de nombreux projets sont accompagnés chaque année, pour augmenter leur impact sur notre système politique, pour trouver un modèle économique et des financeurs ou encore pour assurer leur indépendance financière et politique.

Parmi les pionniers : mettre ici la liste des projets incubés

2018 – La communauté grandit !

De quelques dizaines de membres et projets confidentiels à ses débuts, Démocratie Ouverte compte aujourd’hui des centaines de projets de transformation de notre système politique, de professionnels de l’innovation démocratique, de partenaires et de citoyens qui s’engagent dans ce mouvement de fond.

Depuis 2018, l’association organise ou participe à un nombre croissant d’événements, apéros, séminaires ou colloques pour montrer qu’un autre démocratie est possible.

2019 – Gilets Jaunes, Gilets Citoyens, Grand Débat et Convention Citoyenne pour le Climat

C’est avec le mouvement des Gilets Jaunes, suivi du Grand Débat, que le sujet de la démocratie arrive (enfin !) sous les feux des projecteurs des médias de masse et dans les discussions des citoyens sur les rond-points, les réseaux sociaux ou au boulot.

C’est aussi à cette occasion que Démocratie Ouverte lance le collectif des Gilets Citoyens qui, après un gros travail de plaidoyer, réussit à convaincre le gouvernement de lui confier l’organisation de la Convention Citoyenne pour le climat, en lien avec le CESE (Conseil Economique Social et Environnemental). Cet exercice démocratique inédit en France consiste à tirer au sort 150 citoyens représentatifs de la diversité de la population et de les accompagner sur un temps long (plusieurs week-end) avec des outils d’intelligence collective et l’audition d’experts aux avis contradictoires. Au terme de ce processus délibératif, les citoyens remettent au Président de la République des projets de lois, co-construits et prêts à être soumis au Parlement ou par Référendum.

Après la Convention

Principes et lignes rouges

L’instance organisatrice des Conventions citoyennes s’assure de la transparence des arbitrages finaux, veille au respect des engagements du commanditaire ainsi qu’à la bonne mise en œuvre et au suivi des mesures ou propositions du panel, au regard du mandat.

Les citoyennes et les citoyens du panel doivent être associés à la rédaction des lois, délibérations et décrets ainsi qu’au suivi de la mise en œuvre des mesures, même après la fin de la Convention citoyenne.

Toute proposition de loi ou de texte soumis à référendum doit obtenir in fine l’accord du panel concernant la formulation de la question ou du texte à soumettre à référendum.

Recommandations

En plus des garants, un groupe d’observateurs constitués notamment de chercheurs (un groupe de médias “embarqués” peut aussi être envisagé) sont invités à suivre le processus et procéder à son évaluation continue dont ils partageront les résultats a posteriori.

Liens avec l’extérieur

Principes et lignes rouges

Le panel doit être protégé de tentatives de manipulation ou de pression de groupes intéressés par le sujet de la Convention. Tout est fait pour garantir l’anonymat du panel jusqu’à la remise de ses conclusions.

Cependant, pour éviter que les mesures de la Convention citoyenne ne soient rejetées ou ignorées par les représentants élus et/ou par la population, il est important de faciliter l’inclusion des travaux de la Convention citoyenne dans le débat public.

Des groupes de parlementaires, de représentants de la société civile organisée ou de représentants de l’administration (ministères, autorités publiques, etc.) peuvent être constitués pour suivre les travaux de la Convention et interagir avec elle sous le contrôle du comité de pilotage et des garants. Le groupe de parlementaires peut notamment décider de répercuter certains débats de la Convention au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Par ailleurs, une information diffusée largement doit permettre de faire vivre le débat dans la société jusqu’à l’aboutissement des choix politiques (référendum, débat parlementaire…). Afin de garantir la transparence rétrospective de la Convention, les ateliers et débats seront intégralement filmés.

Recommandations

La publicité des débats pourra se faire, par exemple, par le biais de sessions «miroirs» organisées en différents endroits, d’une chaîne télé/internet dédiée aux informations sur la Convention, de la diffusion en direct et en différé de la formation du panel, de la présence de journalistes embarqués sur certains temps forts, d’une plateforme participative entre le panel et les internautes, etc. Cette communication est effectuée sous le contrôle du comité de pilotage.

Formation et missions du panel

Principes et lignes rouges

Une fois le panel sélectionné, la formation définie, les animateurs engagés, le déroulement de la Convention comporte trois phases (qui ne sont pas nécessairement séquentielles).

  • La phase de formation porte sur :
    • les bases factuelles et consensuelles sur la thématique en jeu, puis des expertises contradictoires et les différentes propositions apportées par des associations, syndicats, entreprises, chercheurs ou personnalités impliqués sur la thématique. Les citoyens peuvent demander eux-mêmes à auditionner d’autres experts ou des élus suivant des conditions à définir à l’issue de cette phase ou lors des phases ultérieures ;
    • la manière de travailler collectivement (modes de prises de décisions, pratiques d’intelligence collective) ;
  • La phase de débat interne au panel (échanges d’arguments en vue de l’élaboration d’une position commune) ;
  • La phase de choix puis de formulation des conclusions et recommandations.

Le comité de pilotage assure l’équilibre des experts et intervenants présentés au panel ainsi que le respect du temps de présence imparti à chaque expert. La présence de l’expert se limite à son intervention telle que définie par le comité de pilotage.

Le temps imparti à la Convention, au minimum 6 jours, sera fonction de la complexité du mandat. L’espacement des sessions sera adéquat pour ne pas épuiser les membres du panel, tout en gardant une continuité dans leurs travaux.

Recommandations

Le comité de pilotage peut lancer un appel ouvert pour repérer les organisations qui souhaiteraient intervenir dans la formation par l’intermédiaire d’un cahier d’acteur.

Pour éviter toute reformulation malheureuse, voire une manipulation de leurs propositions, les citoyennes et les citoyens de la Convention seront invités à rédiger des propositions les plus abouties possibles, dans l’idéal sous forme de propositions de lois, de réglementation ou de délibération. Un groupe pluraliste de légistes peut être constitué pour aider le panel à rédiger ses propositions sous forme législative, mais sans l’influencer sur ses choix. Ce groupe doit rester dans une posture d’appui technique et le comité de pilotage veille à ce qu’il n’oriente ni la rédaction, ni l’opportunité de présenter telle ou telle mesure.

Constitution du panel citoyen

Principes et lignes rouges

Le panel de la Convention est composé uniquement de citoyennes et de citoyens, tirés au sort parmi tous les habitants du territoire. Une sélection (genre, catégorie socioprofessionnelle, âge, critère géographique, niveau d’instruction, proximité avec le sujet…) est effectuée afin de choisir un groupe représentatif de la diversité des habitants du territoire. Une surreprésentation d’un type de population (jeunes, exclus…) peut être recherchée en fonction de la thématique abordée, si le comité de pilotage le juge nécessaire et met en place des modalités adaptées.

Les citoyens présentant un conflit d’intérêts avec le sujet traité sont exclus du résultat du tirage au sort. C’est le comité de pilotage qui évalue, lors de la préparation du recrutement du panel, la nécessité ou non d’écarter certains profils pouvant présenter un tel conflit d’intérêts.

L’indemnité que reçoivent les membres du panel doit être suffisante pour couvrir leurs frais, mais pas excessive au point de devenir la motivation principale de leur participation à la Convention.

Recommandations

Les conditions d’accueil – hébergement, repas, locaux et matériel de travail – doivent être d’une qualité témoignant de l’importance de leur contribution à l’intérêt général.

Organisation de la Convention

Principes et lignes rouges

L’instance organisatrice d’une Convention (Maison des Conventions citoyennes) nomme un comité de pilotage indépendant à qui il confie l’organisation pratique de chaque Convention. Ce comité de pilotage est pluraliste : il intègre des experts de la démocratie délibérative et des experts aux disciplines et positions différentes sur la thématique traitée. Cette diversité garantit l’impartialité du comité de pilotage.

Le comité de pilotage a pour rôle de :

  • établir un plan de formation pour les citoyennes et citoyens de la Convention (le panel), en recherchant un équilibre entre les divers points de vue et une mise en lumière des points de divergence ;
  • assurer la liaison avec les animateurs professionnels, chargés d’aider le panel à mener une discussion fructueuse ;
  • assurer la liaison avec d’autres tiers (médias, élus, chercheurs, observateurs…) dans des modalités à définir et à communiquer aux membres du panel comme à ces tiers.

Recommandations

Le comité de pilotage doit veiller à ce que les citoyennes et citoyens de la Convention soient éclairés en disposant de l’ensemble des points de vue, puissent réfléchir, échanger et élaborer leurs recommandations dans le sens de l’intérêt général et de manière indépendante.

Lien à la décision

Principes et lignes rouges

Dans le mandat, un lien direct à la décision finale doit être explicite. Il peut s’agir d’un engagement politique à faire adopter les propositions de la Convention citoyenne sans les modifier, ou de l’engagement de soumettre ces propositions à référendum ou au parlement en demandant un scrutin public ordinaire (avis individuel des parlementaires). Une Convention citoyenne n’est pas un exercice consultatif, c’est un dispositif délibératif qui impacte la décision finale. Un compte-rendu intégral défini par une processus clair permet d’expliquer les décisions finales et la manière dont la Convention citoyenne les a impactées.

Recommandations

Les Conventions citoyennes devraient avoir une existence légale (législative ou constitutionnelle) et être intégrées comme une des manières possibles de construire la loi. Une Convention citoyenne devrait pouvoir décider seule du déclenchement d’un référendum et du dépôt d’un projet ou d’une proposition de loi d’initiative citoyenne.

Mandat de la Convention

Principes et lignes rouges

La demande de Convention citoyenne doit porter sur une question d’intérêt général, claire et précise, compréhensible pour le public, et pour laquelle les différents points de vue ont acquis un certain degré de maturité. Le mandat qui en résulte doit être public et largement expliqué et communiqué.

Les moyens alloués à l’organisation de la Convention citoyenne dépendent de la complexité du mandat.

Recommandations

En cas de déclenchement de la Convention par pétition, nous recommandons que celle-ci définisse précisément le mandat. À défaut, ce mandat est rédigé conjointement par les porteurs de la pétition et par l’instance organisatrice.

Le comité de pilotage et le panel citoyen (voir plus loin) peuvent demander ou proposer des clarifications sur le mandat.