Notre démocratie est en danger !

Le poids croissant des lobbies qui défendent des intérêts particuliers, la perte de confiance de la population envers ses dirigeants, les risques environnementaux ou encore la violence liée au développement des nouvelles technologies sont autant de phénomènes qui mettent à mal notre démocratie représentative. La population ne supporte plus la pseudo-démocratie, dans laquelle la « participation » des citoyens se réduit à l’information ou à la consultation, sans prise réelle sur les décisions comme on l’a vu lors de la récente crise sanitaire ou suite au mouvement social des gilets jaunes.

Pour répondre à l’incertitude qui règne partout, le jugement des populations se révèle souvent  plus pertinent que celui des élus ou des experts. L’urgence est donc de disposer d’un outil de participation réelle aux décisions politiques. Dans ce but ont été inventées, il y a 30 ans, les conférences de citoyens, avec le tirage au sort de participants de catégories socioprofessionnelles, âges, régions, etc. les plus variés possible. Mises en pratique des centaines de fois dans le monde entier, elles ont démontré les qualités d’intelligence, d’altruisme et d’imagination que peuvent manifester de simples citoyens dans un tel cadre. Au-delà de permettre l’épanouissement intellectuel des participants, ces démarches de démocratie délibérative rendent possible la production d’un jugement collectif de qualité, tourné vers l’intérêt général. Mais ces procédures n’ont pas su éviter les dérives, dues à leur définition trop vague, avec le risque que leurs avis ne soient pas pris au sérieux par les décideurs comme par la population.

Aussi, depuis 15 ans, sont apparus, sous les noms de Convention de citoyens ou de Convention citoyenne, des protocoles de conférences de citoyens rationalisées selon une méthodologie stricte, précise et rigoureuse. Aujourd’hui, à l’issue de nombreux échanges entre les partenaires concernés, et à la lumière des expériences passées, dont celle de la Convention citoyenne pour le climat, nous vous proposons les grands principes qui doivent régir les Conventions citoyennes, et les lignes rouges qu’elles ne doivent pas franchir. Ces règles sont essentielles afin que les Conventions citoyennes constituent l’outil privilégié pour faire des choix collectifs, dans le sens du bien commun.

Défendre l’intérêt des citoyens…

… car les choix issus de telles Conventions sont ceux de personnes ordinaires, qui ne défendent aucun intérêt particulier et ont pris la peine d’analyser tous les aspects de la question posée, d’en débattre largement avec des experts variés, et entre elles. Tout porte à penser que l’avis bien éclairé de tels « mini publics » est le plus conforme à celui que produirait l’ensemble de la population si elle était placée dans les mêmes conditions d’apprentissage et de délibération, ce qui reste matériellement impossible. Nous avons ciblé des Conventions citoyennes nationales, mais les mêmes principes peuvent être adaptés pour recourir à des Conventions à l’échelle d’un territoire plus restreint (régions, communes…) ou plus large (Union européenne…). 

Nous proposons aussi, afin que les Conventions citoyennes se développent dans les meilleures conditions, qu’un espace national indépendant, la Maison des Conventions citoyennes, leur soit dédié pour les organiser en  assurant la transparence, le bon déroulement et l’équité des procédures. Cette Maison des Conventions citoyennes pourra capitaliser les expériences, compétences techniques et méthodologiques et ressources (humaines et financières) permettant d’améliorer en continu l’organisation des Conventions citoyennes, d’en réduire les coûts et d’en promouvoir les travaux. Cette Maison des Conventions citoyennes peut être une création nouvelle (chambre citoyenne ou chambre du futur, par exemple) ou bien la transformation d’une autorité existante (Conseil économique, social et environnemental ou Commission nationale du débat public, par exemple).

Il reste que la sanction politique pour des décisions de régulation est l’aboutissement nécessaire d’une Convention citoyenne. Elle peut provenir du Parlement ou plutôt de la population entière par recours au référendum. 

C’est pourquoi nous voulons que la procédure de Convention citoyenne soit inscrite dans la législation, ou mieux dans la Constitution, afin d’en réglementer l’usage et d’en faire accepter les effets. Dans tous les cas, nous insistons sur la rigueur procédurale, gage de crédibilité et donc de prise en compte des avis citoyens sans lesquels il n’est pas de véritable démocratie.

Bien sûr la démocratie ne se résume pas à des procédures techniques. La Convention citoyenne ne peut pas être décisionnelle (« sans filtre ») mais elle oriente les choix sociaux et politiques en nourrissant les débats et en préparant les décisions par le positionnement actif de la société civile.

C’est seulement si la société civile s’empare de cette proposition pour exiger sa légalisation que la population disposera enfin des moyens pour que les décisions politiques répondent à ses attentes de façon la plus favorable.